Structures de l'ADN télomérique et interaction avec des protéines de liaison à l'ADN simple-brin par des approches in vitro.

Les télomères sont des complexes nucléoprotéiques qui protègent les extrémités des chromosomes eucaryotes. Chez les eucaryotes où les télomères sont allongés par la télomérase, le brin d'ADN qui va vers l'extrémité 3' est généralement composé de répétitions en tandem d’un court motif contenant des des guanines consécutives (brin G) et se prolonge par une extension 3’ simple-brin (G-overhang). A cause de la présence de ces guanines consécutives, le brin G télomérique peut se replier en G-quadruplexes (G4) (Tran et al. 2011). Les G4s peuvent se former au niveau de l’extension 3’ simple brin, mais aussi au niveau de la région double brin, principalement au cours de la réplication ou de la transcription de TERRA (telomeric repeat-containing RNA), c’est-à-dire lorsque le brin G forme transitoirement un simple-brin.

Nos projets principaux se focalisent sur la caractérisation des structures secondaires formées par l'ADN télomérique et sur leurs interactions avec des protéines interagissant avec l’ADN simple-brin impliquées dans le métabolisme des télomères et plus particulièrement avec RPA (replication Protein A), une protéine ubiquitaire du génome, et la protéine POT1 (Protection of Telomere 1) du complexe shelterin.

 

Principaux résultats :

Structure des séquences télomériques. Nous avons caractérisé la structure et la stabilité de longues séquences télomériques en présence de potassium (le cation physiologique stabilisant les G4) et démontré qu’elles se structurent en unités G4 contiguës n’interagissant pas les unes avec les autres et ayant une stabilité similaire (Bugaut & Alberti 2015). Nous avons aussi mis en évidence un comportement particulier de ces répétitions en présence de sodium (Saintomé et al. 2016). Ces travaux nous ont conduit à étudier comment la RPA humaine (hRPA) et le complexe POT1-TPP1 humain interagissent avec ces structures.

hRPA. Après avoir caractérisé la fixation de hRPA sur une G4 télomérique unique (Salas et al. 2006, Safa et al. 2014, Safa et al. 2016), nous avons démontré que hRPA fixe de façon efficace les structures télomériques structurées en G4 contigus, les dépliant, indépendamment du nombre d’unités G4 (Lancrey et al. 2018). Nous avons aussi mis en mis en évidence la possibilité de déplacer hRPA des séquences télomériques par un ligand dimérique de G4 synthétisé dans notre équipe (Saintomé et al. 2018).

hPOT-TPP1. Nous avons apporté des arguments montrant que plusieurs protéines hPOT1-TPP1 fixent les séquences télomériques structurées en G4 contigus de façon coopérative à partir de l’extrémité 3’ vers la partie 5’ et nous avons élucidé les déterminants de ce comportement (Chatain et al., en  révision).

"G4 are telomere's best friends". Nous avons également étudié un motif variant instable, le motif GGGCTA, identifié au niveau des extrémités proximales des télomères humains par un autre groupe de recherche. Nous avons montré que les répétitions GGGCTA peuvent se replier en épingle à cheveux (hairpin) qui sont faiblement fixée par hRPA, suggérant une possible origine de l'instabilité longueur-dépendante des répétitions GGGCTA aux télomères humains (Chatain et al. 2021). Le motif variant télomérique GGGCTA (instable, formant des hairpins et mal lié par la RPA sous sa forme hairpin) joue en contrepoint au motif canonique télomérique GGGTTA (stable, formant des G4 et bien lié par la RPA malgré sa structuration en G4s contigus), ce qui inspire des considérations originales sur le G4 télomérique et l'évolution du motif télomérique.

 

Projets :

Les architectures télomèriques des divers eucaryotes sont un exemple fascinant de diversité structurelle, construite sur une base d'unité sous-jacente (d'unité et diversité du vivant). Notre objectif à long terme est de travailler avec des protéines RPA et du type POT1 d'autres eucaryotes avec un double objectif : (i) rechercher des indices d'une évolution à partir d'une protéine SSB non spécifique de séquence (RPA-like) vers une protéine SSB spécifique des séquences télomériques (POT1-like), (ii) étudier les caractéristiques structurelles qui ont permis la coévolution des motifs télomériques et des protéines de type POT1 reconnaissant ces motifs.

Dans le cadre d’un projet ANR collaboratif (Telo-RPA) avec Stéphane Coulon (Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille), Patrick Revy (Institut Imagine, Paris) et Caroline Kannengiesser (CHU Bichat), nous travaillons également sur des variantes de RPA retrouvées chez des patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique. Nous étudions si ces mutations affectent la liaison de RPA aux séquences télomériques structurées en G4.

 

Nos publications autour des G4 telomeriques et de RPA:

- Chatain J, Blond A, Phan AT, Saintomé C, Alberti P. GGGCTA repeats can fold into hairpins poorly unfolded by Replication Protein A: a possible origin of the length-dependent instability of GGGCTA variant repeats in human telomeres. Nucleic Acids Res. 2021, doi.org/10.1093/nar/gkab518

- Lancrey A, Safa L, Chatain J, Delagoutte E, Riou JF, Alberti P, Saintomé C. The binding efficiency of RPA to telomeric G-strands folded into contiguous G-quadruplexes is independent of the number of G4 units. Biochimie. 2018, doi: 10.1016/j.biochi.2017.11.017.

- Saintomé C, Alberti P, Guinot N , Lejault P , Chatain J , Mailliet P , Riou JF , Bugaut A. Binding properties of mono- and dimeric pyridine dicarboxamide ligands to human telomeric higher-order G-quadruplex structures. Chem Commun. 2018, doi: 10.1039/c7cc07048a.

- Safa L, Gueddouda NM, Thiébaut F, Delagoutte E, Petruseva I, Lavrik O, Mendoza O, Bourdoncle A, Alberti P, Riou JF, Saintomé C. 5' to 3' Unfolding Directionality of DNA Secondary Structures by Replication Protein A: G-quadruplexes and duplexes. J Biol Chem. 2016, doi: 10.1074/jbc.M115.709667.

- Saintomé C, Amrane S, Mergny JL, Alberti P. The exception that confirms the rule: a higher-order telomeric G-quadruplex structure more stable in sodium than in potassium. Nucleic Acids Res. 2016, doi: 10.1093/nar/gkw003.

- Bugaut A, Alberti P. Understanding the stability of DNA G-quadruplex units in long human telomeric strands. Biochimie. 2015, doi: 10.1016/j.biochi.2015.04.003.

- Safa L, Delagoutte E, Petruseva I, Alberti P, Lavrik O, Riou JF, Saintomé C. Binding polarity of RPA to telomeric sequences and influence of G-quadruplex stability. Biochimie. 2014, doi: 10.1016/j.biochi.2014.04.006.

- Tran PL, Mergny JL, Alberti P. Stability of telomeric G-quadruplexes. Nucleic Acids Res. 2011, doi: 10.1093/nar/gkq1292.

- Salas TR, Petruseva I, Lavrik O, Saintomé C. Evidence for direct contact between the RPA3 subunit of the human replication protein A and single-stranded DNA. Nucleic Acids Res. 2009, doi: 10.1093/nar/gkn895.

- De Cian A, Grellier P, Mouray E, Depoix D, Bertrand H, Monchaud D, Teulade-Fichou MP, Mergny JL, Alberti P. Plasmodium telomeric sequences: structure, stability and quadruplex targeting by small compounds. Chembiochem. 2008, doi: 10.1002/cbic.200800330.

- Salas TR, Petruseva I, Lavrik O, Bourdoncle A, Mergny JL, Favre A, Saintomé C. Human replication protein A unfolds telomeric G-quadruplexes. Nucleic Acids Res. 2006, doi: 10.1093/nar/gkl564.

 

Quelques contributions et collaborations :

Nous avons également contribué à plusieurs études autour des G4 et/ou RPA dirigées par d'autres groupes : 

- G4 dans un contexte de double-hélice (une étude en molécule unique), par les groupes de J.B. Boulé and V. Croquette  (Nucleic Acids Res. 2021, doi: 10.1093/nar/gkab306) 

- RPA d’Arabidopsis, par le groupe de D. Shippen  (Genetics 2020, doi: 10.1534/genetics.120.303222) 

- RPA-1 de Leishmania amazonensis, par le groupe de M.I.N. Cano (Biochim Biophys Acta Gen Subj. 2020, doi: 10.1016/j.bbagen.2020.129607) 

- G4 dans les génomes de Plasmodium spp,  par le groupe de J.J. Lopez-Rubio  (PLoS Genet. 2020, doi: 10.1371/journal.pgen.1008917) 

- RPA et télomères chez S. pombe, par le groupe de S. Coulon (EMBO J. 2015,doi: 10.15252/embj.201490773) 

- G4 dans les origines de réplication, par le groupe de  M.N. Prioleau (EMBO J. 2014, doi:10.1002/embj.201387506) 

- Polymorphisme des G4 dans la région 3’ non transcrite de KiSS1, par le groupe de N. De Roux (Mol Cell Endocrinol. 2012, doi: 10.1016/j.mce.2011.12.014) 

Publié le : 09/07/2021 10:36 - Mis à jour le : 30/11/2023 11:01